Vouloir-dire de la langue vs indicibilité du trauma : analyse des verbatim d'un point de vue néoténique - Monica Paniz, CPTC, GReLiSC
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Informations sur ce média
Depuis quelques années, l’évolution des idées arrive à un tournant où des rencontres systématiques entre différentes disciplines se mettent en place afin de révolutionner et renouveler les modèles épistémologiques traditionnels. Les Sciences du Langage et les Sciences Psychologiques sont, dans ce contexte, pionnières de ce besoin d’évolution dans une optique pluridisciplinaire. Les recherches récentes en matière de manifestations linguistiques du syndrome de stress post-traumatique ont permis l’identification et la théorisation du Syndrome psycholinguistique post-traumatique, une véritable nouveauté séméiologique issue des apports de la linguistique à la psychiatrie. Cette nouvelle entité met en avant une caractéristique cardinale du trauma : son indicibilité. Or, les études récentes montrent que le discours de patients bilingues étant affectés par un trouble de stress post-traumatique n’a pas encore été pris en compte par les chercheurs, ni par les praticiens. Le bilinguisme est à l’heure actuelle une condition dans laquelle, pour des raisons différentes et plus ou moins complexes, de nombreux êtres locuteurs se retrouvent. Par conséquent, il est nécessaire que cet aspect soit pris en considération dans le cadre de l’analyse des verbatim[1] et, de manière plus générale, tout au long de la prise en charge clinique du patient. En effet, un locuteur bilingue ou plurilingue entretient des rapports cognitifs différents avec les langues qu’il parle, ce qui pourrait idéalement lui permettre de s’exprimer avec plus de lucidité et de recul dans une langue plutôt que dans une autre, voire de s’exprimer autrement. De plus, le vouloir-dire de la langue, défini comme étant l’ « ensemble d’éléments qui sont d’ordre mental et par lesquels la langue incite le locuteur à choisir tel type d’énonciation (le dire) et d’énoncé (le dit) plutôt que tel autre »[2], est susceptible d’affecter tout un ensemble d’expressions linguistiques qui pourraient ainsi être confondues avec les symptômes cardinaux du Syndrome psycholinguistique post-traumatique. Afin que le système de soins puisse évoluer et s’adapter à un public plus vaste, il est nécessaire que la linguistique (et plus précisément la néoténie linguistique) fournisse d’apports nouveaux à la psychopathologie, notamment en ce qui concerne les rapports cognitifs existants entre locuteurs et langues du monde.
De tous ces constats naît le questionnement fondateur de cette communication : que se passe-t-il lorsque l’individu n’est pas seulement confronté à l’indicibilité du trauma, mais aussi au vouloir-dire de la langue ?
Afin de pouvoir y répondre, nous tâcherons d’analyser d’un point de vue néoténique les récits des patients bilingues blessés psychiques. Dans ce contexte, nous viserons l’identification d’une frontière possible entre les processus linguistiques inhérents à l’indicibilité du traumatisme psychique et ceux respectant le vouloir-dire des langues parlées par les individus concernés. Les résultats de cette recherche seront susceptibles non seulement d’apporter une explication supplémentaire et nouvelle à certains symptômes du Syndrome psycholinguistique post-traumatique, mais aussi de montrer en quelle mesure les acquis théoriques de la néoténie linguistique peuvent être appliqués à des disciplines qui sortent du domaine des Sciences du Langage.
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[1] La dénomination « verbatim » désigne, dans le domaine des sciences psychologiques, l’enregistrement et l’éventuelle transcription à des fins analytiques des propos exprimés par le patient au cours de la séance de thérapie.
[2] Bajrić S., Linguistique, cognition et didactique. Principes et exercices de linguistique didactique, Paris, Presses de l’université Paris-Sorbonne, 2009, p. 315.